CERRO RICO - de Michel et Michèle Paret
Les colonisateurs espagnols surnommèrent « Colline riche » ( Cerro Rico ) la montagne qui domine la ville bolivienne de POTOSI. A la fin du 16Âş siècle, PotosĂ, avec plus de 160 000 habitants, Ă©tait une ville plus importante que Paris ou Londres. Ce sont 30 000 tonnes d’argent. qui furent extraites du Cerro Rico depuis le dĂ©but du 16ème siècle jusqu’à celui du 19ème.
On raconte que cette fabuleuse quantité d'argent aurait pu permettre de construire une route à double voie reliant Potosà à Madrid. La plupart des économistes et des historiens sont formels : le flux de métal argent des mines de Potosà vers l’Espagne fut une condition sine qua non de la naissance puis du développement du capitalisme en Europe. Mais cela a eu un coût humain très élevé : Le génocide de six millions d’Indiens AYMARAS et QUECHUAS, et de plus d’un million d’esclaves africains venus du commerce triangulaire. Tous morts d’épuisement, dans l’air raréfié mais poussiéreux de mines situées à 4800 mètres d’altitude…Ou bien empoisonnés par les vapeurs de mercure servant au traitement du précieux métal…Les gisements sont pratiquement tous épuisés de nos jours. Mais de pauvres mineurs boliviens, aux conditions de vie épouvantables, continuent à croire au rêve fou du bon filon restant à découvrir…
Michel et Michèle nous racontent le Cerro Rico …
Ils ont choisi, pour nous en parler, de ne pas se lancer dans la petite introduction explicative qui précède… Explication trop brutale, trop inhumaine ?…Peut-être ... Ils ont choisi de personnaliser leur montage en nous racontant l’histoire de Pablo, un adolescent bolivien …
L’histoire de Pablo ? Non ! Le dilemme de Pablo ! Car ce dilemme est simple : doit-il mourir de faim dans son village ou bien mourir, comme ses ancêtres, dans ce qui reste des fameuses mines ?
Nous remarquerons ici que cette manière qu’ont les auteurs d’aborder le « fil rouge » de leur montage ne change en rien la brutalité et l’inhumanité des choses…Mais cette personnalisation va contribuer à faire naître, chez le spectateur du montage, une profonde émotion pour le sort du jeune adolescent bolivien. Et cela parce que les auteurs ont su remplacer le didactisme austère d’une explication historico-politique par le récit pathétique d’une histoire personnelle…
Bravo !
Bravo car cependant les auteurs ne cherchent nullement à évacuer l’humanisme politique de leur montage et pour qui veut bien le comprendre, le propos de M & M reste clair :
« Pablo » , ce n’est pas seulement l’adolescent bolivien … « Pablo », ce sont aussi les 7 millions de morts des mines de Potosi…« Pablo » ? Ce sont toutes les victimes, boliviennes ou non, adolescentes ou non, d’un système qui a, de tout temps, profité de la colonisation et de ses prétendus « aspects positifs »…
La construction de ce montage a été pensée dans le même esprit. Nous retrouvons des effets de fondu lents dans les séquences où il s’agit, par exemple, d’évoquer le calme et la solitude des magnifiques paysages andins. Par contre il y a emploi systématique de transitions instantanées (cuts) pour souligner la brutalité de la situation de l’adolescent, confronté à ce qui ne peut être un choix de vie décent. A remarquer encore : L’effet de fragmentation, parfaitement adapté pour évoquer une explosion de mine.
Qui osera dire que ce diaporama est un simple diaporama « de voyage » ?
Maurice GUIDICELLI